Change – dinar -euro : La monnaie nationale se déprécie en douceur
Krimi Khémaies
Les particuliers, qui auront, en ce mois de novembre et même bien avant,, à convertir des dinars contre des euros, pour diverses raisons (voyage, payement de frais d’études à l’étranger…), sont désagréablement surpris de constater que la monnaie nationale s’est dépréciée, depuis janvier dernier, au taux de 3,5% environ.
Au 30 octobre 2020, il faut désormais 3,271 dinars pour avoir un euro lequel s’échangeait contre 3,1 dinars au début de l’année. Cette dépréciation en douceur a eu lieu presque en catimini. La Banque centrale de Tunisie n’a pas daigné en expliquer les motifs.
En principe, une monnaie se déprécie pour trois raisons, soit pour booster les exportations, soit pour remédier au manque de liquidité en devises sur le marché domestique de change, soit pour pallier la hausse de l’inflation.
En regardant de près ces trois indicateurs macroéconomiques on remarque qu’ils sont, relativement, au vert, à la limite en orange, et qu’ils n’ont pas subi de pressions notoires, durant les 8 derniers mois.
Concernant la liquidité, voire les réserves en devises disponibles à la BCT, avec l’équivalent de plus de 145 jours d’importation, fin octobre 2020, elle est à son plus haut niveau depuis 5 ans.
Est- il besoin de rappeler que le stock en devises était de l’ordre de 73 jours et 72 jours respectivement en 2019 et 2018, pour la même période.
S’agissant de l’inflation, cet indicateur n’est pas à la hausse. Bien au contraire il connaît un trend baissier. Selon la BCT, le taux d’inflation est estimé à 5,8% durant le premier semestre 2020 contre 6,8% en 2019 et 7,7% en 2018, pour la même période.
Quant à la dépréciation du dinar qui favoriserait une impulsion des exportations tunisiennes, les statistiques officielles font ressortir, au cours de la même période des résultats relativement positifs dont une baisse du déficit de la balance courante. Ce dernier est passé au cours de la même période (8 premiers mois de l’année) de 7, 1 milliards de dollars en 2019 à 5,5 milliards de dollars en 2020, soit une réduction significative du déficit commercial sur le marché de change de 1,6 milliard de dollars.
Mieux le taux de couverture des importations par les exportations s’est amélioré de manière sensible. Il affiche son meilleur résultat depuis cinq ans.
Pour ne citer que le poste de l’énergie, le marché de change tunisien a déboursé environ 3,1 Milliards de dollars USD pour les 8 mois 2019, contre 2,5 Milliards de dollars environ en 2020, soit une économie de 600 Millions de dollars, grâce à l’effet prix généré par la baisse du cours mondial du pétrole.
Moralité de l’histoire, cette dépréciation en douceur du dinar par rapport à l’euro aurait été décidée pour d’autres raisons. D’près des experts de change, cette dévaluation serait une précaution prise par la BCT pour anticiper sur certaines difficultés que le pays va connaître durant l’exercice 2021.
Parmi ces difficultés figurent, le pic de remboursement en bloc de dettes qui arrivent à échéance et les besoins de financement considérables qui seront mobilisés pour financer le budget 2021.
C’est dans le même esprit, d’ailleurs, que Slim Azzabi, ancien ministre du Développement, de la Coopération internationale et de l’Investissement, dans le gouvernement d’Elyès Fakhfakh avait entamé des négociations avec la France, l’Italie, le Qatar et l’Arabie saoudite pour le report ou le rééchelonnement des dettes contractées auprès de ces pays.
Cela pour dire, in fine, que cette dépréciation en douceur du dinar ne s’explique pas par des déterminants traditionnels et classiques. Il s’agirait, pour la BCT, d’une mesure de précaution visant à prendre les devants et à disposer, en prévision des difficultés budgétaires de 2021, d’un stock de devises à même d’aider à les atténuer.
FIN
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